Consultation sur le mix énergétique
A propos de la consultation nationale sur le mix énergétique du futur (automne 2022), une contribution de Pascal DEVOLDER adhérent AHVENIR.
Contribution à compléter par ce document, également repris in extenso en bas de page..
D’une part, face à l’urgence climatique, les éventuels nouveaux réacteurs nucléaires arriveraient trop tard :
On peut tout à fait accepter la poursuite de l’exploitation des centrales actuellement en service, même les plus anciennes, tant que l’Autorité de Sûreté Nucléaire, autorité indépendante, jugera les conditions d’exploitation raisonnables. Puisque la transition énergétique nous confronte à des défis importants, il serait stupide de fermer par anticipation des réacteurs encore opérationnels.
On peut cependant redouter que d’ici une ou deux décennies, les coûts d’entretien et de réparation de nos plus vieilles centrales deviennent prohibitifs ou, plus grave, que le risque d’un incident nucléaire potentiellement grave n’atteigne une probabilité minime mais inacceptable.
Il faudra de toute façon bientôt fermer progressivement ces vieilles installations (après 60 ans) puis les démanteler, ce qui sera coûteux et long.
Par ailleurs, pour les centrales nécessitant l’eau des rivières pour leur refroidissement, le risque d’arrêt en plein été croît puisque le changement climatique réduit encore l’étiage bas des cours d’eau en période estivale.
Sans gloser sur les délais anormalement longs de construction de l’EPR de Flamanville, le retour d’expérience de construction des quelques centrales construites ou programmées à l’étranger montre qu’il faut toujours plus d’une décennie. Par exemple, la Pologne vient de finaliser la commande d’un réacteur à l’américain Westinghouse avec une livraison prévue en 2033, soit 11 ans après la signature.
S’agissant du projet du Président Macron d’un programme de 6 réacteurs EPR, leur construction sera obligatoirement échelonnée dans le contexte de finances publiques sous tension. En outre, la décision ne peut intervenir que courant 2023 après une nouvelle loi de programmation énergie et climat,.
On peut anticiper que, s’il devenait effectif, ce nouveau parc nucléaire français ne serait opérationnel qu’au milieu du siècle. C’est bien trop tard ! (la présente COP27 martèle l’urgence climatique). En effet, la France s’est engagée à réduire ses émissions de 55% d’ici 2030 (c’est demain !) et atteindre la neutralité carbone en 2050.
D’autre part, à cause de son coût, la relance du nucléaire se ferait au détriment de l’accélération promise du développement des Énergies Renouvelables (ENR).
La France est déjà en retard sur ses propres objectifs d’ENR (c’est la seule en Europe dans cette situation) ; en 2020, les ENR représentaient 19% du mix énergétique alors que son objectif était de 23%. Pour rattraper son retard, elle doit augmenter avant 2023 la part de l’éolien de 40% et doubler celle du photovoltaïque. Outre leur coût réduit, les ENR bénéficient d’une mise en œuvre simple et rapide sur le plan technique (seuls les nombreux recours freinent leur extension)
Selon le dernier rapport du GIEC (AR6,WGIII), la période 2010-2019, a vu une baisse des coûts de 85% pour l’énergie solaire, de 55% pour l’énergie éolienne, de 85% pour les batteries Lithium-ion. Au contraire, pour répondre aux carences des réacteurs nucléaires révélées par des accidents récents (surtout Fukushima), l’Autorité de Sûreté Nucléaire a imposé de nouveaux dispositifs de sécurité aux centrales françaises, ce qui renchérit le coût des réacteurs actuels et futurs.
Au plan mondial, le GIEC a calculé une série de trajectoires permettant de stabiliser le climat à +2°C: certaines ne font pas appel à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, d’autres si, mais aucune trajectoire permet de ne pas dépasser les + 2°C (accord de Paris) sans un déploiement massif des ENR. L’agence Internationale de l’énergie parvient à cette même conclusion.
Pour la France, l’ADEME et le RTE (Réseau de transport de l’électricité) poussent aussi à un développement accéléré des ENR.
Sans être économiste, on subodore bien que la priorité sur les ENR, qui n’est pas contestée par les pouvoirs publics, n’est pas compatible avec une relance importante et nécessairement coûteuse du nucléaire. La France serait bien la seule en Europe à prétendre courir deux lièvres à la fois : les ENR et le nouveau nucléaire !
Complément en juin 2023 : Il y a quelques mois, à l’occasion de la consultation nationale sur le mix énergétique français, j’avais exprimé mon opinion personnelle dans un court texte, avec plusieurs idées forces :
-Soutien à la prolongation, autant que faire se peut, des centrales nucléaires actuellement en activité.
-Opposition à l’ambitieux programme de construction de six nouveaux réacteurs pour deux raisons : (i) ces réacteurs arriveraient bien trop tard pour respecter notre engagement de baisse des émissions de GES de 55% d’ici 2030 (c’est l’engagement « Fit for 55 » de l’Europe) (ii) le coût colossal d’une telle relance du nucléaire viendrait nécessairement remettre en cause la priorité reconnue comme incontournable dévolue aux ENR (ENergies Renouvelables : le solaire et l’éolien), priorité justifiée par le retard de la France en la matière et par la possibilité technique d’une mise en œuvre rapide des ENR.
Notre Président n’a pas dévié d’un pouce sur sa décision de relance du nucléaire , sans égard pour les multiples objections élevées dans la conclusion de la consultation nationale!
Mais peut-être le dernier rapport (7 juin 2023) de RTE (Réseau de Transport d’Electricité, en charge de la programmation de l’électricité en France), présenté par Xavier Piechaczyk, Président du directoire, pourrait changer la donne. Mr Piechaczyk fait en effet les constatations suivantes, induites par la nécessité d’une électrification de beaucoup d’usages (industrie, transport, etc) :
– « La France produit actuellement 120×1012 kWh d’électricité par an, et devra en produire 250 à 300×1012 vers 2030, ce qui constitue une accélération très substantielle, rythme pourtant déjà observé dans quelques pays européens ».
– « Il n’y aura pas de nouveaux grands barrages hydroélectriques ni de nouveaux réacteurs nucléaires dans la prochaine décennie ».
– « L’éolien terrestre et le solaire sont les seuls vecteurs permettant cette forte accélération immédiate, l’éolien en mer demandant plus d’infrastructures ».
Un vieux révolutionnaire a un jour affirmé : « les faits sont têtus » : vraiment ?
Pascal Devolder
Juin 2023
Pour aller plus loin après cette contribution de Pascal DEVOLDER :
- le site de la consultation : https://www.ecologie.gouv.fr/mix-energetique-lancement-dune-consultation-nationale